4 mariages et 1 enterrement : la comédie romantique so British de Mike Newell
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4 mariages et 1 enterrement, un grand succès populaire et commercial
Ce film britannique de 1994, réalisé par Mike Newell, a révélé Hugh Grant au grand public. Pour son rôle de Charles, l’acteur a reçu un Golden Globe et un British Academy Film award. Le film, son réalisateur et l’actrice Kristin Scott-Thomas (dans le rôle de Fiona) ont également été récompensés en Grande-Bretagne. C’est le début d’une love story entre Hugh Grant et le public français notamment, cette comédie romantique ayant reçu le César du meilleur film étranger cette année-là. L’œuvre et son scénariste, Richard Curtis, manquent de peu d’être oscarisés.
Ce même scénariste nous régalera ensuite avec le célèbre Coup de foudre à Notting Hill (1999) et il co-écrira avec l’auteure elle-même (Helen Fielding) le script de l’adaptation cinématographique du succès d’édition, Le Journal de Bridget Jones, sorti en salles en 2001. A partir de là, Richard Curtis commencera à s’illustrer aussi en tant que réalisateur avec notamment Love Actually (2003), référence du genre au casting ultra prestigieux, mais aussi Good Morning England (2009) et Il était temps (2013).
Quatre Mariages et un Enterrement connait un immense succès dès sa sortie. L’actrice américaine Andy MacDowell, qui y incarne Carrie, avait sans doute pressenti le triomphe qu’allait faire le film. Elle a en effet eut la grande idée de demander à être rémunérée en pourcentage sur les recettes du film, plutôt que de négocier un cachet. Résultat, elle toucha 2 millions de dollars contre 100000 pour Hugh Grant. Andy MacDowell a décidément du flair !
Un peu de contexte : le début des années 90 au cinéma
Le début des années 90 voit Hollywood asseoir son hégémonie dans le domaine de la comédie romantique avec de grandes réussites populaires et commerciales. Pretty Woman (1990) et Ghost (1990), mais aussi dans la comédie familiale avec Sister Act (1992) ou Mrs Doubtfire (1993), ainsi que dans le film d’action et le film à suspense : Le Silence des agneaux (1991), Réservoir Dogs (1992) ou Jurassic Park (1993).
4 mariages et 1 enterrement, le film qui remet le cinéma britannique sur le devant de la scène
On pourrait ainsi penser qu’à sa sortie, en 1994, Quatre Mariages et un enterrement dénote un peu en ne misant ni sur le sensationnel (la prostituée et le gentleman de Pretty Woman), ni sur le surnaturel (la belle et le fantôme de Ghost). Pourtant, le film contribuera à remettre le cinéma britannique sur le devant de la scène. Il réhabilite la comédie romantico-satirique à l’anglaise. Elle est centrée notamment sur le mariage et ses codes. Dans la droite ligne des romans de Jane Austen, dont l’une des plus grandes adaptations sort d’ailleurs en Grande-Bretagne seulement un an plus tard, en 1995. Tout cela grace à la BBC, avec les superbes Jennifer Ehle et Colin Firth en tête d’affiche. On peut noter, en effet, que les personnages d’Orgueil et Préjugés, l’indépendante Elizabeth Bennet et l’ombrageux Mr. Darcy, ont autant de mal que notre ami Charles (le héros du film) à comprendre ce qu’ils attendent vraiment du mariage et ce que le mariage attend d’eux, d’un point de vue social et personnel.
Quatre Mariages et un Enterrement se distingue des autres longs-métrages sortis à la même époque. On observe un ton un peu plus grinçant, mélange de romantisme et de cynisme, de critique sociale et de comédie de genre, où l’humour anglais se met au service de sujets de société (mariage, divorce, homosexualité, amours libres…) et des paradoxes humains qui sous-tendent toutes nos problématiques contemporaines. Avec plus de verve et de vitriol que d’autres comédies romantiques de l’époque, ce film célèbre le brio tout anglais qui consiste à savoir parler d’amour sans le dire, à explorer avec ironie et justesse les souffrances immenses et les doutes abyssaux engendrés par les non-dits, la pression sociale, l’éducation, les préjugés et les sentiments humains, souvent contradictoires.
Un impossible chassé-croisé amoureux, des sentiments secrets
Il y est question d’un groupe d’amis célibataires habitant près de Londres. Ils vont être conviés ensemble à quatre mariages, puis devoir se rendre, la mort dans l’âme, à l’enterrement de l’un des leurs.
Dans cette comédie romantique enlevée et spirituelle, Hugh Grant, avec ce parfait mélange de style et de touchante maladresse qu’on lui connaît bien, interprète le personnage de Charles. C’est un jeune homme à l’humour caustique qui accumule les conquêtes mais qui patauge parfois -non sans éclat- dans des situations socialement gênantes qu’il a très largement contribué à créer. On pense notamment à ce magnifique moment de solitude où, croyant qu’une de ses connaissances a rompu ses fiançailles avec la femme qu’il fréquentait, il cherche à le consoler en lui disant que c’est un mal pour un bien puisque cette femme était infidèle et nymphomane. Et le type de lui répondre : « Je disais que nous ne sommes plus fiancés parce qu’elle est devenue ma femme ! ». Awkward!
Les précédentes histoires d’amour de Charles ont toutes mal fini, soit parce qu’il n’a pas su rester fidèle (allant jusqu’à tromper la demoiselle avec sa propre mère), soit parce qu’il a pris ses jambes à son cou pour des futilités, soit parce qu’il ne se conçoit tout simplement pas comme un bon parti et n’est pas enclin à changer cela, ce que les femmes recherchent pourtant en lui désespérément, même la belle Carrie, en vérité, comme nous le verrons plus tard.
La joyeuse bande d’amis se compose également de Scarlett, la colocataire de Charles, punkette un peu paumée et attachante, des deux aristo millionnaires que sont la cynique Fiona et son frère Tom, gentil et coincé, du frère de Charles, Angus, beau jeune homme sourd et muet qui se trouve être son confident, et de Gareth et Matthew, Gareth étant un Gallois d’âge moyen, drôle, sarcastique et animé d’une furieuse envie de vivre, et Matthew son proche ami plutôt discret, d’origine écossaise.
Au cours de la première noce, Charles livre avec brio le traditionnel discours dévolu, Outre-Manche, au témoin du marié et, tandis qu’il souhaite au nouveau couple beaucoup de bonheur, il se targue publiquement de ne pas être lui-même candidat au mariage. Il va pourtant rencontrer, ce jour-là, la belle et intrigante Carrie, jeune américaine pour laquelle il éprouve un coup de cœur immédiat, même s’il ne parvient pas à en mesurer pleinement l’impact sur l’instant, peu enclin à disséquer ses sentiments et encore moins à les exprimer.
4 mariages et 1 enterrement, l’amour triomphe
Carrie, qui n’est pas indifférente à l’humour de Charles mais qui a pris bonne note de son aversion pour le mariage, s’accorde avec lui une nuit d’amour sans lendemain, une aventure qu’elle initie elle-même en faisant des avances à Charles. C’est elle qui l’embrasse en premier en soulignant, non sans esprit, « qu’elle a toujours peur d’aller trop loin. » Avec malice, juste avant de se tomber vraiment dans les bras l’un de l’autre, Carrie lui demande : « Pourquoi on appelle ça une lune de miel, d’après toi ? » Sans se départir de son sérieux hilarant, Charles lui répond : « Euh, je ne sais pas… Peut-être parce que c’est doux comme le miel et que c’était traditionnellement la première fois que le mari voyait les fesses de sa femme. » Il est amusant de noter qu’indirectement, ce que Carrie lui indique ici, c’est qu’ils vont donc vivre ensemble la lune de miel sans en passer par le mariage. Une façon pour elle de lui faire prendre conscience de l’étape manquante, ce qu’elle renouvellera plusieurs fois par la suite, de façon toujours détournée, comme au lendemain de leurs ébats, quand elle lui fera croire, l’espace d’un instant, qu’elle attend désormais de lui qu’il lui fasse sa demande. Charles est soulagé de comprendre qu’elle plaisante, et pourtant décontenancé par la suite des événements. Habitué à être celui qui abandonne les femmes au petit matin, il est assez dérouté, en effet, en comprenant que Carrie s’apprête à s’en aller avec autant de panache que de liberté. Cette inversion des rôles déboussole Charles, d’autant plus qu’il n’aurait peut-être pas fui, cette fois-ci…
Au deuxième mariage, Charles et Carrie se retrouvent… mais cette dernière est désormais fiancée à un riche Ecossais ! La déconvenue est totale pour Charles, qui voit la noce tourner au fiasco quand il se retrouve assis à une table rassemblant plusieurs de ses ex, qui partagent différents souvenirs de lui, aucun ne le mettant particulièrement à son avantage. Pire encore, en voulant fuir l’une d’elles, Henrietta, que Fiona a toujours appelée « tronche de cane » et qui le pourchasse dans les couloirs aux fins de ressasser les raisons les ayant conduits à rompre, il finit coincé dans une chambre, témoin silencieux des ébats fougueux des deux jeunes mariés.
Le troisième mariage n’est autre que celui de Carrie elle-même ! Juste avant la noce, les deux ex-amants se recroisent alors que Charles est venu choisir un cadeau pour le couple sur leur liste de mariage. S’ensuit une après-midi un peu folle où il accompagne Carrie choisir sa robe de mariée. Il apprend, au détour d’un café, qu’il a été le 32ème et avant-dernier amant de la belle. Lui qui se percevait comme un tombeur est, si l’on peut dire, désarçonné par cette révélation qui place l’héroïne en position d’être finalement plus libérée et plus expérimentée sexuellement que l’homme qui la convoite. Cette scène peut presque être perçue comme un écho, voire un hommage à la fameuse scène de Quand Harry rencontre Sally (1989), dans laquelle Meg Ryan simule un orgasme en plein restaurant devant un Billy Cristal médusé.
Charles tente de faire comprendre à Carrie que si elle venait à renoncer à son mariage avec Hamish, il serait là pour elle. La jeune femme ne se satisfait pas de cette déclaration malhabile et un peu trop prudente, quoique touchante (« Je crois que je t’aime » parvient-il difficilement à lâcher…).
Lors du mariage de Carrie et de son Écossais, alors que Charles a fui les festivités parce qu’elles entérinent la fin de tous ses espoirs vis-à-vis de celle qu’il aime, il découvre avec surprise que son amie Fiona n’a jamais aimé que lui – un amour qu’elle sait impossible et voué à l’échec. Mais les discours des époux, comme la déclaration de Fiona, sont tous interrompus quand le joyeux Gareth est pris d’un malaise cardiaque qui lui sera malheureusement fatal. Lors des funérailles de ce dernier, les amis découvrent ce que le spectateur a été amené à comprendre bien avant eux : Gareth et Matthew étaient plus que des amis, ils s’aimaient, comme en témoignent les mots que Matthew prononce lors de l’éloge funèbre et ce douloureux poème de W. H. Auden qu’il lit pour lui, intitulé Arrêtez les pendules (ou Funeral Blues, en V.O).
On croit la partie perdue pour Charles : Carrie a épousé un autre homme et il n’a pas su saisir sa chance. Il est tout à la fois dépité par cet impossible amour dont il n’avait pas mesuré qu’il le voulait tant, conscient d’avoir été le seul frein à l’épanouissement de toutes ses relations sentimentales (« Pourquoi est-ce que je suis toujours invité à des mariages, mais jamais celui qui s’y marie ? »). Charles est également chamboulé, très certainement, par l’amour vrai que se portaient Matthew et Gareth à l’insu de tous (« C’est étrange, en effet », dit-il à Tom après l’enterrement. « Toutes ces années, nous étions célibataires et fiers de l’être et nous n’avons jamais remarqué que, durant tout ce temps, deux d’entre nous étaient en fait mariés l’un à l’autre. » Ce à quoi Tom répond, avec autant de tristesse que de philosophie : « Des traitres dans nos propres rangs ! »)
C’est donc ainsi qu’on retrouve Charles le jour de ses propres noces avec Henrietta. Le spectateur n’a aucune envie de le voir se marier avec elle et pourtant… le voilà arrivé à l’église, prêt à dire oui. Mais c’est alors qu’il aperçoit Carrie, venue seule. Elle explique que son mariage avec Hamish n’est plus, qu’il n’avait d’ailleurs jamais été voué à fonctionner. Charles reste de longues minutes enfermé dans la sacristie à ne pas savoir ce qu’il doit faire, complètement retourné d’avoir revu Carrie et de la savoir à nouveau célibataire. Il se laisse pourtant convaincre qu’il ne peut plus reculer maintenant, qu’il a assez hésité, et c’est alors qu’il se tient devant le prêtre aux côtés d’Henrietta que son frère intervient et lui fait dire à voix haute, devant l’assemblée, qu’il aime en fait une autre femme que celle qu’il s’apprête à épouser.
Un coup de poing rageur plus tard (Henrietta en a eu sa claque !), Charles se retrouve chez lui, entouré de ses amis, atterré par ce qu’il vient de faire subir à la pauvre « tronche de cane ». C’est sans compter sur Carrie, venue sonner à sa porte sous une pluie battante pour s’assurer qu’il va bien. Alors, enfin, Charles trouve-t-il le courage de lui avouer ses sentiments. Mais il le fait d’une façon géniale et détournée restée dans toutes les mémoires : « Laisse-moi te poser une question » lui dit-il. « Est-ce que tu penses – une fois que nous aurons fini de sécher et après que nous aurons passé beaucoup plus de temps ensemble – que tu pourrais accepter de ne pas m’épouser ? Et est-ce que tu penses que ne pas être mariée avec moi pourrait, qui sait, être quelque chose que tu serais prête à vouloir faire pour le reste de ta vie ? ». Ce à quoi Carrie répond évidemment : « Oui, je le veux ».
Atouts et thématiques d’un film culte : entre Orgueils et Préjugés et Quand Harry Rencontre Sally
Qu’est-ce qui fait de Quatre Mariages et un Enterrement un film indémodable ? Les bons mots, la satire sociale, le charme fou de Hugh Grant, le magnétisme d’Andy MacDowell, un script en béton armé, et cette indémodable question du mariage, oscillant entre deux conceptions qui ne font jamais pas bon ménage, même 180 ans après la parution du roman Orgueil et Préjugés, à savoir celle qui, d’un côté, ne voit dans cette institution qu’une aride mais nécessaire convention sociale, et celle qui, de l’autre, conçoit l’union de deux êtres comme une déclaration d’amour et de fidélité devant l’éternel…
Et puis les acteurs sont excellents, voilà ! Rendons hommage non pas seulement à Hugh Grant et Andie MacDowell, mais aussi à James Fleet (Tom), John Hannah (Matthew) Rowan Atkinson (le Père Gerald), Anna Chancellor (Henrietta), et Kristin Scott-Thomas (Fiona), pour ne citer qu’eux.
On appréciera également que Charles représente la lenteur et les doutes, quand Carrie incarne la spontanéité et la liberté. Cela inverse intelligemment le stéréotype de l’homme viril menant l’action, tandis que la femme, traditionnellement plus hésitante car démunie et/ou vulnérable et/ou follement éprise, le suit dans ses aventures.
Nous pouvons rencontrer, comme nous le disions plus haut, certains aspects déjà habilement traîtés dans le film à succès Quand Harry rencontre Sally. Principalement par le chassé-croisé qui amène les protagonistes à se revoir à intervalles réguliers dans des circonstances différentes. Cependant la dynamique est toute autre. Il n’est jamais question d’amitié entre Carrie et Charles, l’attirance étant présente dès le départ, et parce que Carrie n’est pas aussi fleur bleue et naïve que Sally, loin de là.
On aime aussi voir différentes sortes d’amour s’exprimer à l’écran : l’amour à sens unique, celui qu’éprouve Fiona pour Charles ; l’amour-désir, celui de Bernard et Lydia (les protagonistes du deuxième mariage) ; l’amour secret, mais véritable, entre Matthew et Gareth ; l’amour tranquille, celui que recherche Tom (et qu’il trouvera !) dont il exprime ainsi la substance : « Je ne sais pas, Charlie, » dit-il. « Contrairement à toi, je n’ai jamais vraiment cru au « coup de foudre ». J’ai toujours espéré que je rencontrerais une fille sympa et avenante, qu’elle me plairait, que mon apparence physique ne la révulserait pas totalement, que je lui ferais ma demande et, voilà quoi ! Que nous nous installerions ensemble et serions heureux. Ça a fonctionné pour mes parents. Enfin, jusqu’à leur divorce et tout ça… »
4 mariages et 1 enterrement, une grande comédie sur le mariage et sous toutes ses formes
On aime, enfin, que le film interroge inlassablement le rôle du mariage, même à la fin du 20ème siècle. S’agit-il encore seulement – ou principalement – d’un contrat ? De la quête d’un statut social ? D’une obligation dont on devrait s’acquitter devant la société ? D’une promesse devant Dieu ? Dans quelle mesure peut-on aujourd’hui croire à cette institution à l’ère du divorce institutionnalisé? De la recherche individuelle de liberté qui vient forcément se heurter de plein fouet au concept d’engagement total l’un envers l’autre sur lequel se fonde le principe du mariage ? A une époque (1994) où l’on ne reconnait encore qu’un seul type d’union, nécessairement hétérosexuelle, omettant ainsi de voir que deux hommes ou deux femmes peuvent aussi s’aimer et être liés éternellement l’un(e) à l’autre, quelle vérité détient vraiment l’institution ? Peut-on admettre que l’on puisse s’aimer vraiment sans vouloir se marier ? Peut-on admettre, à l’inverse, que le mariage soit plus qu’une formalité administrative ?
Si vous ne l’avez pas vu, foncez le regarder. Et si vous l’avez visionné, comme moi, déjà plusieurs fois, vous y reviendrez, c’est certain. C’est un classique du genre. Un de ces films qui font du bien, une belle et intelligente comédie romantique, miroir d’une époque et d’une société.
Catherine-Rose Barbieri
Auteure de Am, Stram, Gram… ce sera toi qui me plairas ! et de Souviens-toi que tu m’aimes
La peur est pire que la punition. Pas une https://coflix-tv.co/ comédie.