Si Jane Austen est considérée comme la romancière du mariage, on peut dire aussi qu’elle est la femme du célibat. Et même si l’écrivaine a mené toutes ses héroïnes à la noce, Jane Austen, a préféré rester célibataire.
Jane Austen, six frère pour deux sœurs
Jane Austen est née le 16 décembre 1775, sous le règne de George III. Son père est le révérend Georges Austen, sa mère Cassandra est née Leigh. Jane est la septième d’une fratrie très unie de huit enfants. La famille Austen appartient à la gentry anglaise, c’est-à-dire la petite aristocratie provinciale, et vit au presbytère Stevenson dans le Hampshire. Jane y passera les vingt-cinq premières années de sa vie. Fine observatrice, elle maîtrise mieux que quiconque les subtilités des us et coutumes de ce petit milieu qu’elle excelle à décrypter.
Une fine experte de la condition féminine
Ayant grandi avec six frères, Jane Austen comprend vite que la vie est beaucoup moins drôle pour les filles. Dans l’univers très codifié de la gentry, le seul avenir de la femme, c’est l’homme. Totalement privée d’autonomie, les femmes de la “bonne” société britannique de ce début du XIXe n’ont d’autre choix que le mariage pour subsister. Sans accès au monde professionnel, souvent oubliées de l’héritage, elles doivent absolument se placer sous une tutelle masculine, père, mari, frère ou le cas échéant oncle ou cousin, pour avoir un toit sur leur tête et une place à table. Considérées comme des éternelles mineures, les jeunes femmes passent donc de la dépendance paternelle au joug marital. Car comme le stipule précisément le serment du mariage, la femme doit obéissance à son mari.
La chasse au mari est ouverte
Dès l’âge de seize ans, les jeunes filles sont lancées dans le monde. Elles ont alors trois ou quatre « saisons » pour se dénicher un époux. Au-delà, elles frisent la date de péremption. Pour faciliter les rencontres, de nombreuses distractions comme les bals sont organisé. Sous couvert d’amusement, c’est une lutte cruelle qui s’engage : la chasse au mari. Les mères sont extrêmement actives et souvent prêtes à toutes les compromissions pour assurer « le bonheur » de leurs filles ou plus prosaïquement les mettre à l’abri du besoin. Il n’était donc pas rare de voir de jeunes filles de seize ou 17 ans épouser des hommes de trente ou quarante ans…
Orgueil et préjugés… la vraie vie de Jane Austen
On pense évidemment à Madame Bennett, la mère d’Elizabeth dans Orgueil et préjugés qui doit faire face au casse-tête majeur de marier ses cinq filles quasi sans dot. Car plus la corbeille de la mariée est pleine plus les chances de faire un bon mariage sont élevées. L’enjeu consiste donc à trouver en un minimum de temps le parti le plus potable possible. Le profil du gendre idéal : riche. Les critères comme jeune, intelligent, séduisant ou simplement gentil sont secondaires face à l’urgence.
Jane Austen a vite compris la cruauté de ce système patriarcal. Elle en a été victime, mais a refusé de s’y plier. Cette éthique, cette rigueur morale, qui transparaissent dans chacun de ses ouvrage, nous parlent encore aujourd’hui. Car derrière tous ses happy-end, se cache un refus farouche des compromissions.
« Oh ! Lizzy ! Tout plutôt qu’un mariage sans amour !… Êtes-vous bien sûre de vos sentiments ? » (Orgueil et préjugés, 1813)
Mansfield Park, la part d’enfance de Jane Austen
Mais revenons au commencement. Jane a vécu une enfance heureuse au presbytère. L’ambiance chez les Austen était joyeuse, chaleureuse et assez érudite. On lisait à haute voix après le dîner. Et tout le monde maniait la plume: le père, pasteur, rédigeait ses sermons, la mère faisait des vers. Comme dans “Mansfield Park”, la famille entière écrivait des petites pièces de théâtre. La grange, l’été, leur servait de scène. Comme Elizabeth Bennett, Jane aimait battre la campagne et se rouler dans l’herbe. Pour être une jeune fille « accomplie » (c’est à dire bonne à marier), elle apprenait le français et l’italien, le chant, le dessin, la couture et la broderie, le piano et la danse. De toutes ces activités, sa préférée était de loin la lecture.
En 1782, Jane et sa sœur Cassandra sont envoyées à l’école, d’abord à Oxford, puis à Southampton, enfin à l’Abbey School de Reading. Les deux sœurs complètent leur éducation grâce aux conversations familiales et à la bibliothèque paternelle de 500 ouvrages et romans à laquelle les enfants avait accès sans restrictions.
A 18 ou 19 ans, pleine de confiance en elle et en la vie, Jane Austen écrit son premier roman Elinor et Marianne (qui deviendra Raison et Sentiments).
A vingt ans elle tombe amoureuse.
Raison et Sentiments, le grand amour de Jane Austen
Tom Lefroy et Jane Austen sont sans doute présentés l’un à l’autre au cours d’un bal, durant les vacances de Noël 1795. C’est la grande aventure de sa vie. Elle durera à peine un mois.
Quelques lettres de Jane à Cassandra témoignent que les amoureux passent beaucoup de temps ensemble : « J’ai presque peur de te raconter comment mon ami irlandais et moi nous sommes comportés. Imagine-toi tout ce qu’il y a de plus dissolu et de plus choquant dans notre façon de danser et de nous asseoir ensemble. »
Malheureusement ni Jane ni Tom ne sont fortunés. Tom, encore étudiant, dépend d’un grand-oncle irlandais pour financer ses études et s’établir dans sa profession d’avocat. Celui ci compte sur un riche mariage pour son petit-neveu. La famille Lefroy intervient et Tom doit quitter Jane et le Hampshire à la fin de janvier. Jane ne le reverra plus. Mais elle ne l’oubliera jamais.
On le retrouve au détour de ses romans. Il est le jeune et fringant John Willoughby, qui tombe amoureux de Marianne dans Raison et Sentiments, mais en épouse une autre, plus riche, pour satisfaire son oncle… Il est George Wickham qui fait la cours à Elizabeth mais s’éloigne pour tenter de séduire une riche héritière. Jane a-t-elle été aussi désespérée que Marianne ?
Dans les romans de miss Austen, Marianne sera sauvée de son chagrin par le ténébreux Colonel Brandon, et Elizabeth Bennet épousera le magnifique Mister Darcy. Jane elle restera célibataire.
Jane Austen,
ou le refus du mariage sans amour
Au mois de décembre 1802, Jane Austen fait le choix le plus décisif de sa vie : elle refuse de se marier. Un jeune homme fortuné, Harris Bigg-Wither, lui propose de l’épouser. Son premier réflexe est d’accepter sa demande. Sa famille se trouve dans une situation difficile et par ce mariage, elle l’aurait sans doute sauvé de la détresse financière. Après une nuit de réflexion, elle revient sur sa parole. «Une femme n’a pas à épouser un homme sous le simple prétexte qu’il le lui a demandé ou qu’il l’aime», écrit-elle dans Emma. Son destin est scellé : comme 35% des femmes de son époque, elle restera « vieille fille », mot affreux pour désigner les célibataires.
Jane Austen a refusé de rentrer dans le moule du système patriarcal. C’est pour cela qu’elle est si moderne et toujours fascinante. Ses choix personnels et professionnels nous parlent encore aujourd’hui, tout comme son humour mordant et son ironie subtile qui sont sa marque de fabrique.
Cet étrange « devoir conjugal »
C’est que derrière l’arrangement courtois et financier du mariage, une autre vérité se dessine : le devoir conjugal. Quelques jours avant le mariage chaque jeune fille est prévenue : elle devra « se laisser faire » quoi qu’entreprenne son mari lors de la nuit de noce et toutes les suivantes. Il est dans son droit. Du devoir conjugal au viol conjugal il n’y a qu’un pas… que des générations de maris, persuadés d’être dans leur bon droit, franchissaient allègrement. En effet, si une femme refusait de faire son devoir, elle était de facto considérée comme fautive. Il était normal de la contraindre.
Comment ne pas penser à Charlotte Lucas dans Orgueil et préjugés ? Elle qui accepte d’épouser le ridicule et pontifiant Mr Collins pour ne pas rester à la charge de ses parents et ses frères. « Je ne suis pas romantique » dit-elle à Elizabeth tout en lui expliquant comment elle s’arrange pour que son époux se dépense en activités physiques afin de le rendre le moins « envahissant » possible. Envahissant ou non il fallait bien se soumettre au désir de l’époux. Elizabeth, elle, avait refusé la demande de Collins. Mais elle aura la chance de s’unir finalement au merveilleux Darcy.
« Tout est préférable, tout peut être enduré plutôt qu’un mariage sans affection » Lettre de Jane Austen à Fanny (sa nièce). Chawton, vendredi 18 novembre 1814
Des Happy-end qui consolent
Jane Austen n’aura d’ailleurs de cesse de conduire ses héroïnes au mariage. « Mes personnages devront, après quelques troubles, obtenir tout ce qu’ils désirent », confie-t-elle à Cassandra. Une façon de vivre par procuration ce happy-ending qu’elle n’aura pas connu. Ce qui ne l’empêchera d’écrire avec un humour mordant et une ironie subtile qui sont sa marque de fabrique.
En 1805 le révérend Austen meurt, laissant Jane, Cassandra et leur mère sans toit ni moyen de subsistance (exactement ce qui menace Mrs Bennet et ses filles dans Orgueil et préjugés). Les frères Austen : Edward, James, Henry et Francis s’engagent à soutenir les femmes de la famille par des versements annuels. Elles vivront à Southampton, chez Frank Austen et sa jeune épouse jusqu’en 1809. Cette année là, Edward, met à leur disposition un grand cottage dans le village de Chawton, cette demeure faisant partie de son domaine, Chawton House. Cette maison est aujourd’hui le musée Jane Austen.
Écrivaine, enfin!
Heureuse de ce déménagement, Jane décide de relancer sa carrière. Elle vend “L’abbaye de Northanger” à un éditeur pour 10 £. Le livre ne sortira jamais de son vivant.
Par l’entremise de son frère Henry, l’éditeur Thomas Egerton accepte « Sense and Sensibility » (“Raison et Sentiments“), qui paraît en octobre 1811. La critique est élogieuse et le roman devient à la mode dans les cercles influents.
En janvier de cette même année, Egerton publie « Pride and Prejudice » (Orgueil et Préjugés). Le succès est immédiat, avec trois critiques favorables et de bonnes ventes. « Mansfield Park » paraît, toujours chez Egerton, en mai 1814. Tous les exemplaires sont vendus en à peine six mois, et les gains revenant à Jane Austen dépassent ceux qu’elle a reçus de chacune de ses autres œuvres.
Au milieu de l’année 1815, Jane Austen quitte Egerton pour la maison John Murray, éditeur londonien plus renommé. Il publie “Emma” en décembre 1815 et, en février de l’année suivante, sort une deuxième édition de “Mansfield Park”. En 1816 Jane Austen achève “Persuasion”. Elle mourra un an plus tard, le 18 juillet 1817 à 42 ans, du syndrome d’Addison (insuffisance surrénale).
“Persuasion” et “Northanger Abbey” seront publiés à titre posthume.
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« Noël et préjugés » Quand la #TeamRomCom rend hommage à Jane Austen!
Avec mes complices de la #TeamRomCom, (Isabelle Alexis, Adèle Bréau, Sophie Henrionnet, Marianne Levy et Marie Vareille) nous sommes toutes fans de Jane Austen. C’est pourquoi nous avons écrit “Noël et préjugés”, six comédies romantiques de Noël en hommage à « Orgueil et préjugés » !
Jane Austen, la grand-mère de la chick lit’ !
Nous ne sommes pas les seules ! Romancière culte, Jane a inspiré des dizaines de romans et de romances. Ses livres sont traduits dans le monde entier. “Orgueil et préjugés” est un des romans les plus lus au monde et les plus adaptés. Jane Austen est également l’ancêtre proclamée de la chick lit. « Le journal de Bridget Jones », s’inspire librement d’Orgueil et Préjugés. Qu’aurait pensé la vertueuse Jane Austen de cette descendance délurée ? Elle aurait certainement aussi choquée qu’Elizabeth Benett face aux agissement de sa famille !
Bibliographie de Jane Austen
- Sense and Sensibility (1811) Raison et Sentiments
- Pride and Prejudice (1813) Orgueil et Préjugés
- Mansfield Park (1814)
- Emma (1815)
- Northanger Abbey (1818) L’Abbaye de Northanger posthume
- Persuasion (1818) posthume
Romans mineurs ou inachevés
- Lady Susan
- The Watsons (roman inachevé, abandonné par l’auteure)
- Sanditon (roman inachevé, interrompu par la mort de l’auteure).
Je suis une fan absolue de Jane Austen !!! Merci de lui rendre hommage avec ton article.
Bonsoir Coco !!
Moi aussi j’adore Miss Jane et j’ai surtout une passion absolue pour la série Pride and Prejudice de la BBC avec Colin Firth en Mister darcy ! irresistible !
si j’ai le courage (et l’audace), je chroniquerai bien un de ses romans…
Contrairement à la croyance populaire, l’amour ne prend pas beaucoup de place dans la vie d’une femme. Son mari, ses enfants, sa maison, ses plaisirs, sa vanité, ses relations sociales et sexuelles, sa promotion sur l’échelle sociale signifient beaucoup plus pour elle.
Dans les films, https://film4k.stream/ on voit que l’homme aime une femme s’il dit qu’elle ressemble à sa mère et qu’il est tombé en amour s’il dit qu’elle ressemble à la sienne.
K. Melihan